Frédérique Vidal recadrée par la CPU

Publié le 16 février 2021

« Islamo-gauchisme » : stopper la confusion et les polémiques stériles

(Communiqué de presse de la CPU, 16.02-2021)

Interrogée sur CNews, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a annoncé qu’elle allait demander « notamment au CNRS » de faire une enquête sur « l’ensemble des courants de recherche » à propos de « l’islamo-gauchisme » à l’université, « de manière à ce qu’on puisse distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion ».

La CPU fait part de sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de l’« islamo-gauchisme » à l’université. « L’islamo-gauchisme » n’est pas un concept. C’est une pseudo-notion dont on chercherait en vain un commencement de définition scientifique, et qu’il conviendrait de laisser, sinon aux animateurs de Cnews, plus largement, à l’extrême droite qui l’a popularisé. Utiliser leurs mots, c’est faire le lit des traditionnels procureurs prompts à condamner par principe les universitaires et les universités.

Comme l’avait justement rappelé dans une tribune le 26 octobre dernier la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, « l’université n’est ni la matrice de l’extrémisme, ni un lieu où l’on confondrait émancipation et endoctrinement. L’université n’est pas un lieu d’encouragement ou d’expression du fanatisme, » mais « le lieu où s’apprennent le doute comme la modération ainsi que la seule de nos institutions capable d’éclairer l’ensemble de la société, de l’école aux médias, par une connaissance scientifiquement établie, discutée et critiquée collégialement. » Rien ne saurait justifier un changement de discours à ce sujet.

La CPU regrette donc la confusion entre ce qui relève de la liberté académique, la liberté de recherche dont l’évaluation par les pairs est garante, et ce qui relève d’éventuelles fautes ou d’infractions, qui font l’objet si nécessaire d’enquêtes administratives (par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche), ou d’enquêtes pénales. La CPU s’étonne ainsi de l’instrumentalisation du CNRS dont les missions ne sont en aucun cas de produire des évaluations du travail des enseignants-chercheurs, ou encore d’éclaircir ce qui relève « du militantisme ou de l’opinion ». La CPU réclame, au minimum, des clarifications urgentes, tant sur les fondements idéologiques d’une telle enquête, que sur la forme, qui oppose CNRS et universités alors que la recherche est menée conjointement sur nos campus par les chercheurs et les enseignants-chercheurs.

La CPU appelle à élever le débat. Si le gouvernement a besoin d’analyses, de contradictions, de discours scientifiques étayés pour l’aider à sortir des représentations caricaturales et des arguties de café du commerce, les universités se tiennent à sa disposition. Le débat politique n’est par principe pas un débat scientifique : il ne doit pas pour autant conduire à raconter n’importe quoi.

Communiqué du 23 octobre (là, J.-M. Blanquer qui est retoqué)

L’université, un lieu de débats et de construction de l’esprit critique

La Conférence des présidents d’université (CPU) souhaite faire part de l’émotion suscitée par les propos tenus par le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, Jean-Michel Blanquer, sur Europe 1 et au Sénat, le jeudi 22 octobre, qualifiant « les universités » de lieux où sévirait un « islamo-gauchisme » qui y « fait des ravages ».

Premier opérateur public de recherche en France, les universités sont des espaces d’élaboration et de transmission du savoir. Elles forment actuellement 1,6 million d’étudiantes ou d’étudiants, dont les futurs enseignants et enseignantes des écoles, collèges et lycées via les Inspé.

Cette communauté enseignante et scientifique, du primaire au supérieur, a été frappée en son coeur par l’attentat islamiste perpétré contre Samuel Paty, lui-même ancien étudiant de l’université. La peine et la colère sont immenses chez nos collègues et usagers. Non, les universités ne sont pas des lieux où se construirait une « idéologie » qui mène au pire. Non, les universités ne sont pas des lieux d’expression ou d’encouragement du fanatisme. Non, les universités ne sauraient être tenues pour complices du terrorisme.

La mission de diffusion de la culture scientifique et technique fait, au contraire, de nos établissements des institutions de démocratisation de la connaissance scientifique, indispensable dans la cité, à l’heure des désordres de l’information et du succès du complotisme, terreaux des extrémismes.

La recherche n’est pas responsable des maux de la société, elle les analyse. L’université est, par essence, un lieu de débats et de construction de l’esprit critique. En ces temps dramatiques, il est essentiel que l’unité soit de mise et que la cohésion nationale, appelée de ses voeux par le Président de la République, soit pour tous une invitation à éviter amalgames et raccourcis inutiles.

Contact presse : Johanne Ferry Dély — jfd@cpu.fr — 06 07 53 06 66

 

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