Open Access, au prix de la mémoire

Publié le 29 mars 2016

Les collègues qui diffusent et approuvent cette pétition pour l’Open Access des revues scientifiques visent Elzevier et autres gangsters de même farine. Ce faisant, ils semblent ne pas imaginer qu’un jour, internet pourrait bien s’effondrer sous son propre poids, ou à la suite d’une fausse manoeuvre. Alors que restera-t-il de leur mémoire ? Et que vaut une recherche sans mémoire ? Pourquoi ne pas quitter les revues anglo-américaines pour des revues européennes SUR PAPIER AUSSI ? Tant que je n’aurai pas de réponses à ces questions, on ne me fera pas signer cette roulette russe de la connaissance !

POUR UNE SCIENCE OUVERTE À TOUS
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO du 07.03.2016 à 16h32 • Mis à jour le 08.03.2016 à 15h26
EN TANT QUE CHERCHEURS, NOUS CONSIDÉRONS QUE LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE CONSTITUENT UN BIEN COMMUN QUI APPARTIENT À TOUS ET QUI DOIT CIRCULER LE PLUS LARGEMENT POSSIBLE. A CE TITRE, NOUS NOUS RÉJOUISSONS DU VOTE DE LA LOI NUMÉRIQUE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE LE 26 JANVIER ET SOUHAITONS QUE LE SÉNAT LE CONFIRME EN APPROUVANT CE TEXTE DANS LES MÊMES TERMES.
Chercheurs de toutes les disciplines, nous pensons que la littérature scientifique peut sauver des vies, à la condition absolue de son entière et immédiate disponibilité pour tous. Parmi d’autres, le cas du virus Ebola en est un exemple avéré. toutes les disciplines, de la médecine à l’anthropologie, de la biologie à l’économie, de l’épidémiologie à la gestion interculturelle, du droit à l’éthique, auraient dû pouvoir être mobilisées sans délai et sans barrière, pour permettre une réaction adaptée à la complexité et à l’urgence de la situation  : détecter l’épidémie, élaborer un traitement, déployer un plan d’urgence, concevoir une stratégie préventive pour l’avenir, mais aussi prendre en compte la complexité des situations culturelles locales et gérer l’après-épidémie, notamment en abordant la question des survivants et de leur réintégration dans la société…
UN OBSTACLE À LA LARGE DIFFUSION DU SAVOIR SCIENTIFIQUE
Dans un tel contexte d’interdisciplinarité, et à l’échelle de la planète, tout cela devient difficile, pour ne pas dire impossible, sans l’accès ouvert à tous les résultats de la recherche, ancienne, récente ou en cours.
Chercheurs et citoyens, nous considérons que l’accès payant aux résultats de la recherche constitue un obstacle à la large diffusion du savoir scientifique à destination de l’ensemble des disciplines, mais également des étudiants, des enseignants du secondaire et du primaire, des journalistes, du personnel politique, des administrations, des organisations non gouvernementales et des citoyens. Il renforce les inégalités entre les universités riches et les établissements pauvres, entre les métropoles universitaires et les périphéries, entre les grands groupes et les PME, entre les experts et les citoyens, entre les Nord et les Sud, dans un monde au sein duquel l’accès à la connaissance est une clé du progrès économique et social, de la santé publique, de l’innovation technologique, de la maturité démocratique et de la réussite environnementale.
« LA MAJORITÉ DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE EST FINANCÉE PAR DES FONDS PUBLICS ET ELLE DOIT REVENIR À TOUS CEUX QUI L’ONT FINANCÉE »
Chercheurs financés par l’Etat, nous souhaitons indiquer que, contrairement aux acteurs de la création artistique et culturelle, nous ne soyons pas rémunérés par les éditeurs pour nos publications dans les périodiques. La majorité de la recherche scientifique est financée par des fonds publics et elle doit revenir à tous ceux qui l’ont financée. Nous cherchons avant tout à ce que nos articles soient disponibles, lus, cités, exploités, améliorés pour participer au mieux au grand mouvement de la recherche.
Par conséquent, l’accès ouvert est une occasion qu’il ne faut pas laisser passer pour permettre à nos travaux d’être utilisés partout dans le monde, par d’autres collègues, bien entendu, mais également par la société. Contrairement à ce que certains affirment un peu vite, l’accès ouvert ne va pas réduire la visibilité de nos travaux, mais l’accroître dans des proportions inédites. Cette diffusion large des travaux scientifiques se fera bien dans l’intérêt des chercheurs et de la recherche.
Chercheurs inscrits dans des communautés mondialisées, nous invitons la France à ne pas accroître le retard qu’elle a déjà accumulé dans le domaine de la diffusion de la science ouverte. Alors que l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, les Etats-Unis, le Mexique et l’Argentine se sont dotés de législations favorables à l’accès ouvert, nous souhaitons que notre pays rejoigne le mouvement de la science ouverte à tous, sans discrimination de richesse, de culture ou de géographie.
Alors que les sciences physiques et les mathématiques ont montré la voie dès 1991 et sont aujourd’hui quasiment en accès ouvert à 100 % grâce à arXiv, nous appelons les autres disciplines à faire de même, en utilisant HAL, infrastructure nationale de dépôt des articles en archives ouvertes, ou l’archive ouverte de leur établissement connectée à HAL.
Chercheurs soucieux de la qualité des publications scientifiques, nous souhaitons renforcer la capacité des revues à sélectionner, éditer, labelliser et diffuser les articles de qualité. L’accès ouvert est déjà en marche. Nous assistons à une multiplication d’initiatives innovantes, qui s’appuient sur le modèle de l’accès ouvert pour valider, mettre en forme et diffuser des connaissances plus solides, plus riches, plus universelles, notamment grâce à l’évaluation ouverte. En France, nous pouvons déjà compter sur de belles initiatives comme EDP Open (science-technique-médical) ou OpenEdition (sciences humaines et sociales).
« NOUS INVITONS LES SÉNATEURS À VOTER L’ARTICLE 18 EN S’ASSURANT QUE LES CHERCHEURS NE DOIVENT PAS SOUMETTRE LA FOUILLE DE DONNÉES À DES NÉGOCIATIONS AVEC UN TIERS  : LA FOUILLE DE DONNÉES DOIT DEVENIR UN DROIT »
A côté du marché captif et des profits injustifiés des multinationales de l’édition, nous assistons à l’émergence de nouveaux modèles économiques pour l’accès ouvert, éthiques et équilibrés, qui garantissent une édition de qualité réalisée par des professionnels normalement rémunérés. Il faut les soutenir.
Pleinement conscients du fait que l’accès gratuit pour le lecteur a un coût, nous appelons les acteurs publics et privés qui concourent à l’édition scientifique à aller de l’avant et, pour que cessent les malentendus, à faire évoluer ensemble leurs modèles économiques, notamment en redéfinissant leurs complémentarités. Le projet de « plan d’accompagnement au passage à l’Open Access pour les éditeurs français  » est, dans ce sens, un signal fort du législateur dont il convient de s’emparer de façon positive.
Chercheurs engagés dans la production de nouvelles connaissances, nous invitons les sénateurs à voter l’article en faveur du « TDM » (text and data ­mining, fouille de textes et de données), qui permettra d’extraire, de l’ensemble de la production scientifique mondiale, de nouvelles connaissances grâce à l’exploitation automatisée, à l’aide d’algorithmes, de corpus désormais gigantesques.
L’ACCÈS OUVERT EST AU CŒUR DE NOS MISSIONS DE PRODUCTION
En effet, l’accès aux résultats de la recherche scientifique ne donnera sa pleine mesure qu’à la condition d’en permettre une exploitation non bridée. Le traitement informatique par les chercheurs des centaines de milliers d’articles publiés chaque année permettra de produire de nouvelles synthèses et d’extraire de nouveaux savoirs.
Nous invitons les sénateurs à voter l’article 18 bis en s’assurant que les chercheurs ne doivent pas soumettre la fouille de données à des négociations avec un tiers  : la fouille de données doit devenir un droit.
Chercheurs soucieux de l’intérêt public et du bien commun, nous considérons que l’accès ouvert est au cœur de nos missions de production et de diffusion du savoir. Nous appelons au développement d’une science citoyenne, ouverte à tous, et invitons les sénateurs à voter la loi pour une République numérique, en particulier l’article 17, favorable à l’accès ouvert.

 

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