
Opuscules sur la grammaire
Au tournant du XVIIIe siècle, Louis de Courcillon de Dangeau fonde la phonologie. Structuraliste avant l’heure, il décrit pour la première fois les 33 (ou 34) « sons simples » de la langue française sur la base de paires oppositives minimales, découvre l’opposition entre consonnes sourdes et sonores, identifie les liquides, définit /ɔ̃/, /ɑ̃/, /œ̃/ et /ɛ̃/ comme des « voyèles nazales», étend le concept aux consonnes /m/ et /n/, explique pourquoi les graphies « au » (ou « eau »), « eu » et « ou » sont « des voyelles simples ». Il propose deux réformes de l’orthographe d’usage dont la plus directe, toujours d’actualité, consiste à :
1° Remplacer les « lettres grecques» par les « lettres latines » équivalentes : alfabet, gèografie, silabe… et supprimer « les lettres inutiles »: ébraïque, ritme, vint (pour vingt)…
2° Remplacer le x muet final par s : jeus, oiseaus, deus (pour deux), dishuit…
3° Remplacer les consonnes doubles prononcées simples par les simples : come, dificulté, home, ocasion, vilage…, on pouroit…
4° Remplacer en (pour noter /ɑ̃/) par an : anfant, antier, consantemant…
5° Remplacer e ouvert + consonne double par e accent grave + consonne simple : èle, cète, ènemi, lètre, nouvèle, voyèle ; il jète, ils viènent… ; et réserver l’accent aigu aux fins de mots : rèformée…
6° à quoi s’ajoutent la réduction du nombre de traits d’union : dîje, peutêtre, dishuit…, et le remplacement du c cédille par s : les Fransois.
Cette réforme est à peu de choses près celle que préconise la Commission Beslais en 1965 ; elle préfigure celle que recommande Érofa (Dictionnaire de l’orthographe rationalisée du français, 2018) ; elle attend toujours sa réalisation.
Abbé et académicien, Louis de Courcillon de Dangeau (1643-1723) a été héraldiste, mémorialiste, historien, géographe, cartographe, pédagogue et grammairien. Il a publié divers opuscules et recueils anonymes principalement consacrés aux voyelles, aux consonnes et à l’orthographe française.
En couverture : l’abbé de Dangeau et l’abbé de Choisy, gravure de Sébastien Leclerc pour les Quatre Dialogues, 1684.