Didier Raoult, Le Point
Publié le 30 décembre 2015
(en ligne le 30.12.15)
LE POPULISME SE NOURRIT DE L’IGNORANCE EN SCIENCES HUMAINES
Nos débats politiques tiennent du café du commerce. Une tendance qui prend sa source dans la tyrannie des mathématiques et le mépris des sciences humaines.
par Didier Raoult
L’ignorance de l’histoire, de la géographie, de la philosophie, des bases de la santé, de la littérature, de l’économie ou du droit affaiblit le niveau du débat politique.
Les dernières élections régionales ont été marquées par le triomphe des populistes qui se réinventent un passé fictif, de « nos ancêtres gaulois » aux « Français de souche ». Cela résulte en partie de l’ignorance de la plupart de nos technocrates qui transforment les débats politiques en conversations de café du commerce, mais aussi de la dérive de l’éducation au lycée.
La primauté au « tout-maths » est à la fois surréaliste et déconnectée de la réalité dans un monde qui a vu augmenter de façon spectaculaire l’emploi dans les services et le tertiaire. La proportion d’individus qui a utilisé dans sa vie les fonctions mathématiques complexes ou la trigonométrie est ridiculement faible. Au contraire, l’ignorance de l’histoire, de la géographie, de la philosophie, des bases de la santé (anatomie, nutrition, infection, cancer), de la littérature française et internationale, de l’économie, du droit est dangereuse et affaiblit le niveau du débat politique. Ces domaines nourrissent l’information quotidienne, mais ils sont aussi essentiels pour comprendre le monde et garder de la distance avec les actualités les plus bruyantes.
Les données objectives vilipendées par le faux bon sens
Avec les maths à tout prix, on a fait une génération d’ignorants, tandis que les matheux, considérés comme l’élite des étudiants, ont une arrogance qui leur permet de bloquer toute évolution, au nom d’une rationalité qui n’a pas cours dans les affaires humaines. Quant à la spécificité française, ces grandes écoles, extérieures à l’université, souvent déconnectées de toute recherche, elles négligent les connaissances nouvelles issues de la recherche scientifique. La faible performance de la France dans ce domaine traduit le désintérêt et explique le niveau général des débats. Ceux sur la prison, par exemple, reflètent cette indigence intellectuelle où conversations de bistrot et fausses évidences dominent contre études sociologiques et expérience de terrain des avocats !
L’idée que la recherche et l’expérience peuvent être remplacées par l’opinion et le faux bon sens mine le discours politique. Pire encore, les scientifiques qui travaillent sur des données objectives en sciences humaines et sociales sont vilipendés par ceux qui ne connaissent rien à la recherche et font profession d’expliquer les problèmes sociaux.
Actuellement, pour donner à leurs enfants une chance de survie au tri imbécile des maths, il faut opter pour la terminale S. Les familles les plus aisées peuvent compléter ce cursus obligatoire par une formation supplémentaire en sciences humaines. Histoire, au moins, de ne pas mourir idiot !
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