Ontologie de la chair. Phantasmes philosophiques et médicaux de la conceptualisation narrative

Mélissa Fox-Muraton

Philosophie et langage

  • Ouvrage publié avec le concours du Celis – Centre de recherches sur les Littératures et la Sociopoétique et de l'Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand
  • Avant-propos : et prologue de l'auteur.

Une vie «sans parole et sans action» serait «morte au monde» (Arendt). Mais aucune vie humaine n’est exempte de parole et d’action, même dans les cas les plus extrêmes d’aliénation, de déshumanisation ou de douleur, parce que nous sommes des «êtredir» (Artaud) et que notre vie n’est autre chose que cette narration par laquelle elle a un sens pour nous et pour autrui. Ce travail constitue ainsi un effort pour offrir une ontologie existentielle de l’homme comme «phantasme» et comme «conceptualisation narrative», dans laquelle la narration serait le mouvement (linguistique tout autant qu’actif, parole tout autant que chair) qui constitue notre manière d’avoir un monde et d’investir notre monde. Si Deleuze suggère que la pensée moderne fut fondée sur le «je fêlé» kantien, on doit cependant comprendre que cette aliénation n’est pas nécessairement altérité radicale, et que la schizophrénisation de la modernité, qui transforme la mélancolie en psychopathologie, ne renvoie point à l’inénarrable. En examinant les différentes manières dont le psychisme fut pensé, systématisé et articulé par la médecine, la psychiatrie et la philosophie, ainsi que les manières dont la notion clinique de folie fut désarticulée et déconstruite par cette même philosophie, par la psychanalyse et par les gens de lettres, nous souhaitons montrer qu’il serait possible de reconstruire le monde «comme phantasme et comme narration» : relation (et non union) entre le corps et l’esprit (ou l’âme, ou le psychisme), renvoyant à l’intégrité humaine qui, même depuis les tréfonds de la désidentification ou de la douleur, revendique toujours le droit de dire son aliénation inaliénable.