Ethnologie et langage : la parole chez les Dogon

Geneviève Calame-Griaule

Linguistique et sociolinguistique

  • Présentation : Calame-Griaule Geneviève

« Dans une région montagneuse et tourmentée de l’Afrique Occidentale, où le problème de la subsistance se pose de façon aiguë, une population a frappé depuis longtemps les observateurs par la hardiesse de son architecture, la qualité de son artisanat, la vitalité de ses rites et la beauté de ses manifestations culturelles. Depuis les travaux classiques de Marcel Griaule, les Dogon sont un des hauts lieux de la littérature ethnographique. Geneviève Calame-Griaule, sa fille, en renouvelle l’étude.
Civilisation du verbe : le mythe même de la création y atteste le rôle primordial de la parole. Les ancêtres des hommes, êtres proches du poisson, descendus sur la terre avec « l’Arche du monde », reçoivent le miracle de la parole de Nommo, leur compagnon, lui-même fils de l’œuf fécondé par la « parole » d’Amma.
Dans ce monde créé, tout « parle ». L’homme cherche son reflet dans tous les miroirs d’un univers à son image, dont chaque brin d’herbe, chaque moucheron, est porteur d’une « parole », d’un symbole. Si la réalité est ainsi comme un livre dont il faut, pour un esprit dogon, interpréter les signes et décoder le message, il est clair que ces « archives de la parole du monde » se sont constituées, au cours des siècles, selon des habitudes et des lois qui dominent la mentalité dogon.
D’où une théorie et une mythologie de la parole ; d’où l’inventaire de ses rôles dans la vie amoureuse et religieuse comme dans la solution des conflits sociaux ; d’où sa place enfin parmi les autres moyens d’expression que sont la plastique et la musique. C’est toute la conscience qu’une collectivité a d’elle-même et du monde qui nous est ainsi restituée.
Vaste inventaire. Patient déchiffrement. Mais cette analyse exemplaire que fait Geneviève Calame-Griaule des rapports entre le langage et une société particulière revêt alors un sens universel. » (Prière d’insérer de l’édition originale, Paris, 1965)